Famille.

Publié le par Göramy Sü

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Cathégorie : Généalogie.

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Mon Oncle, Ce héros...

 

Je n’aimais pas passer mes vacances chez mes oncles et tantes. Pas parce qu’ils  étaient désagréables, méchants ou pédophiles, mais je préférais cent fois rester à la maison pour pouvoir faire tout ce qu’il me plaisait sans qu’on change les règles de mon quotidien. Discuter toute la journée avec mes copines, jouer sur internet en multi-lignes, regarder la télé sans régime et écouter de la musique pop, top, à fond, en étant l’unique star du dance-floor-salon.  Mais non, contrainte et forcée, à 14 ans, pour la énième fois je devais

sortir de la maison, car soi-disant, je serais encore trop jeune et insouciante pour rester seule. Bien que j’avais l’habitude d’aller chez la soeur de ma mère, ce fût ce jour là, la première fois que j’allais passer mes vacances chez mon oncle, le frère de mon père qu’il n’avait plus vu depuis 20 ans. Je n’ai jamais bien su les raisons de leurs différences, mais différents ils l’étaient. Mon père est un retraité de l'armée, droit, rigide, passionné par les règles, les uniformes et les stratégies militaires. Mon oncle, je ne l’ai jamais vu, ou en tout cas rarement, quand j’étais petite, sûrement. Tout ce que je sais, c’est que mon père dit de lui que c’est un fumiste révolutionnaire, un branleur, un p’tit con. Ma mère me dit que c’est un utopiste sans savoir me donner exactement la définition. Il est parti faire un tour de la Terre quand j’avais quatre ans. Il était parti sur un coup de tête sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Mes grands-parents ne l’avaient jamais revu et sans trop donner de nouvelles, on l’avait cru même mort pendant un moment, quand il était naufragé sur une île perdue, dans un océan piraté par des indiens indous. A l'autre bout du monde, il n’était pas revenu à l’enterrement de grand-père et ça avait beaucoup chagriné grand-mère. Je pense que c’est pour ça que mon père lui en voulait surtout. Pour lui, il était égoïste, sans scrupule, un sauvage, un kamikaze sans case, un profanateur de traditions. Mais depuis peu, après la mort de grand mère, cet oncle inconnu est revenu pour signer l’héritage et tout donner à mon père. Ils ont eu une petite discussion et se sont bizarrement réconciliés. Ce n’était pas sans raison, car malheureusement, ma grand mère n’était pas folle. Maligne, elle avait demandé que ses fils se réconcilient et recréent les liens de la famille avant de pouvoir toucher toute sa fortune. Quelle bonne idée de passer les vacances chez mon oncle pour montrer l’affection familiale de notre belle famille. Maman me l'a montré sur les rares photos. C’est un type au faciès étrange et mal rasé, une sorte de Robinson Crusoé d’une autre époque, un clochard sans classe revenu d’une île perdue. Elle me dit qu’il n’a pas internet, ni le téléphone, ni la télé. Je me demande dans quel monde il vit parmi ceux qu’il a traversé. Le désert du Soudan ? L’Amazonie de l’Equateur  ? Le Groënland ? Mon père le traite de beatnik, moi j’dirais qu’il a vraiment l’air d’une bite. Enfin bon, je suis là devant sa porte à traîner ma valise car ce timbré m’a oublié. Deux heures que je la tire depuis la gare en cherchant à savoir où il est sans que je puisse le joindre. Enfin, le numéro 24, 2eme étage gauche : Monsieur Le Compte. Évidemment, ce n’est pas son vrai nom, mais tout le monde l’appelle ainsi, fallait-il encore le savoir. Quoi de plus normal d’écrire sur sa boîte aux lettres et sous sa sonnette seulement son surnom.  La porte s’ouvra et dressé devant moi je découvris mon oncle, ce héros... Déguisé en Batman jusqu’aux collants, il avait oublié que je n’avais plus six ans et que je n’étais pas non plus une super fan des super héros. Les vacances commençaient bien. Il avait mis des ballons dans l’entrée, sortit des confettis et accroché avec des lettres scintillantes «Bienvenue Amélie». Complètement ubuesque il a failli me payer une coupe de champagne oubliant dans tout le contexte général que je n’avais pas non plus vingt ans. Je devais passer une semaine de vacances avec ce profond débile en plein centre ville et devoir supporter toutes les idioties futiles d'un môme de quarante-six ans ? Il m’indiqua le chemin de ma chambre en me faisant visiter la maison. Les chiottes bien sûr quand on rentre sur la droite et puis suivant le couloir, la chambre, la mienne, la cuisine, la salle de bains et son bureau. Quand nous entrâmes dans le salon, passé le seuil de la porte, mon âme était comme redevenue en enfance. Des jouets, là, éparpillés par milliers dans tout le bazar de mon oncle gâté, gâteaux, gâteux. Des petits indiens en plastiques, des Playmobils dans un bateau, des  peluches et des poupées rassemblées dans un grand fauteuil pas beau. Des petits trains n'arrêtant pas de tourner au pied des meubles et des petites autos figées sur le tapis circuit épais sous la grande table basse. Des marionnettes accrochées aux murs, des cubes en châteaux Lego montés par des grues de mécano. Des seaux et des pelles de sable remplissant les bennes incassables de camions costauds. Des fusées astronomiques, des figurines héroïques, un manège, un petit vélo, un tas de jouets anciens ou rétros entassés là, dans une pièce d'enfant et pourtant. Des fonds de café et des tas de cendriers remplis de vieux mégots écrasés m' indiquaient que vivait pourtant bien là, un adulte, un vieil adulte célibataire peu scrupuleux du ménage et du rangement. Les livres poussiéreux tapissaient les murs et ceux qui étaient ouverts par terre retenaient les éventuels envols des papiers griffonnés de textes, de dessins et d’illustrations. Des vieilles photos scotchées retraçaient la vie de mon oncle et ses traversés étrangères étaient, rangées dans les étagères, illustrées par des bibelots tribals pas vraiment rigolos . Il me fit asseoir sur le canapé au milieu de la pièce, et une à une, je continuais à regarder toutes ces choses sans vraiment l’écouter. Transportée dans un autre monde, j’imaginais les rires de tous ces enfants cachés derrière chacun de ses jouets et l’étrange univers de mon oncle effacé dans la fumée épaisse de sa pipe.


S'b.(Avr.14)

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