Squelette

Publié le par Göramy Sü

  A
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Cathégorie : Anatomie

  goramysu-0114-profil8J’ai fait mon point de no future. Je me suis dit que finalement, arrivé à ce point là, comme si on devait en finir seulement, juste à la fin...


Bien sûr, avant, j’avais tout essayé. Les drogues les plus dures, les femmes les plus torrides, les excès de tout jusqu’à jeter tous mes sordides plaisirs aux ordures. Je me suis taillé les veines plusieurs fois, tailladé à coups de coups de couteaux les larmes aux lames rouges, chaudes, trempées. On m’a fouetté les fesses bien sûr, scarifié le pubis, écartelé mes couilles.
Je me suis tatoué avec toutes les ancres pour affirmer que  ce que j’étais et ce que je resterais. Je me suis gravé «no future» et «no limit» à la place de mes ailes, dans le dos et sur mes deux bras j’ai tatoué à l’encre qui nous enchaîne des os de crânes sur des fonds noirs corbeaux. J’ai vécu dans ma merde, je me suis débattu. Je me suis battu, on m’a abattu. Je me suis fait péter la gueule, je me suis défoncé plusieurs fois sur le trottoir vomissant mes tripes de mes entrailles et tous les excès d’alcools les plus fous. J’ai essayé de tout détruire et d’écraser tout ce qui se présentait devant moi. J’ai maudit, j’ai haï. J’ai balancé des pierres, j’ai tiré sur la police. J’ai craché dans les drapeaux nationalistes, j’ai pissé contre une putain d’église et j’ai même chier dans un bénitier étant petit. J’ai pactisé avec tout ce qui était le plus noir, le plus sombre, pénétrant peu à peu dans la pénombre d’une vie violente, sordide, nauséabonde, dégoûtante, écoeurante et bien sure meurtrie. Mais rien à faire, même dans cette nuit obscure elle s'accroche. Elle me serre tellement que je ne peux pas lui échapper. De la nuit jusqu’au réveil, quand la lumière pénètre sous mes paupières, à peine sorti de mes cauchemars, elle est là, encore. Parfois, à peine réveillé, elle m’agresse et me tire du lit. Elle m’assaille de factures, de chômages, de primes à la casse, de chasse d’eau du voisin tirée ou de sa femme qui se prend des coups de poings dans la figure. Des coups de klaxons, des coups de fusils, des coups aussi derrière la rue. Souvent elle veut que je déjeune, que je prenne soin de moi, que je m’active, que je profite du temps qui m’est appartis et que ne rien faire, pour elle, ça n’en fait pas parti. J’ai beau pourtant faire, moi, la sourde oreille, elle me tinte ses petites clochettes et tous les matins, c’est pareil, jusqu’ à ce que je me demande un jour, pourquoi elle s’obstinait tant à me maintenir en vie ?
"Pourquoi ?" Me demanda t’elle, "t’obstines-tu d’être, toi, le roi des plus aigris ?"
En ouvrant les yeux, je ne pouvais échapper à son regard rempli d’espoir jusqu’à me perdre dans l’horizon de ses pupilles, prendre une bouffée d’air et puis souffler. Bouche bée, je n’avais jamais songé à répondre à la vie en face. C’est vrai, je n’avais jamais pensé que je pouvais adresser la parole à celle qui, aussi fidèle et aussi têtue, m’accompagne depuis que je suis né. Elle était là devant moi, sage, émerveillée, patiente, attendant ma réponse. Elle me souriait sans cesse avec un visage d’ange pur.
"Il y a au moins trois milliard de raisons" lui répondis-je. "Mais si j’avais la seule réponse que j’attend, elle les effacerait toutes". Elle me regarda un peu outrée, un peu déçue, étonnée. Elle s’interrogea en posant son index sous son menton et répliqua.
- Tu as la vie devant toi et tu veux que je réponde à une seule de tes question ? Tu ne vois donc pas ? Tu ne vois rien ? Tu ne sens rien ? Tu ne respire pas, là, sans doute ? La vie est devant toi, tu pourrais en profiter, lui demander tout ce qui lui est plus belle avant qu’elle ne soit écoulée.
- Que penses-tu de ta vie ? lui demandais-je.
Saisie, interrogée, interrompue, elle reprit.
- Je vois que tu as les yeux bien ouverts, alors écoute... Ne crois tu pas qu’elle est belle puisque c’est toi qui la dessine ? C'est toi qui écrcri les phrases du récit de ta propre vie. Courte ou longue, c’est toi qui la compose, mélodie d’une oeuvre d’Art qu’on interpose, qu’on juxtapose et qu’on fait surtout sortir des murs. C’est vrai, bien sûr, je ne suis pas toujours belle, j’ai du mal à me faire comprendre et on a du mal à m’écouter. C’est vrai, comme toi je suis aigrie de voir ce que les gens font parfois des vies qu ils violent, empoisonnent et gazéifient. Je ne peux pas toujours être belle, surtout maigre dans un pyjama noir-gris, mais je me perpétue sans cesse à vouloir rester sans gêne et en vraie vie. Avec le temps, je m’obstine à effacer les mauvaises graines des mauvaises cicatrices et à redonner aux racines les nouvelles veines des jolies pousses, pénicillines. 
- Toi aussi, lui dis-je, tu éprouves parfois mon amertume, toute ma tristesse, mes sentiments enfouis.
- Biensûr ! Je ne suis pas toujours celle que tu envies, celle que tout le monde aime, celle d'un monde en vie. Mais si tu le veux, avec les yeux que tu n' as jamais quitté, je peux t'emmener guerroyer à la plus belle de toutes les guerres. Debout, accroché à ton coeur, tu porteras fièrement les drapeaux de toutes tes victoires et derrière toi, fleuriront les plus beaux sentiers des gloires que tu n'auras jamais semées. "Reste avec moi", me dit-elle, toujours aussi paisible en me tendant la main.
J’ai fait mon point de no future. Je me suis dit que finalement, arrivé à ce point la, comme si on devait en finir juste à la fin...Et je me suis converti.

S'b. (Jan.2014)
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